Hystérésis

Publié le 22 octobre 2025 à 00:11

Propos sur l’usage du numérique

La notion d’hystérèse renvoie à la « persistance d'un phénomène quand cesse la cause qui l'a produit » Nous pourrions, transposant ce phénomène, appréhender l’usage du numérique et plus particulièrement des algorithmes de production de langage (LLM) comme l’effet continué d’actions antérieures centrées sur l’outil.

Je pense ici à l’usage du numérique à l’aube du développement d’internet : le besoin ne préexistait pas à l’usage d’un outil utilisé à ses débuts, en dehors du champ professionnel, sans autre fin que son utilisation. Il était de surcroît convenu de l’utiliser pour tout citoyen soucieux de ne pas sortir d’un mouvement dont le caractère général tenait tout autant du phénomène de mode consumériste que d’une pratique sociale diffusée dans toute la société. Il convenait cependant de disposer d’un minimum de ressources monétaires pour pouvoir rejoindre le groupe majoritaire.  

Les premiers temps de l’internet semblent avoir modifié en profondeur les schèmes d’action tout autant que les représentations. Ces deux notions ont en commun leur caractère impensé et leur pouvoir d’orienter et de maintenir en l’état un comportement donné, parfois alors même qu’il n’est plus adapté aux besoins et ne répond plus aux attentes individuelles.

Je fais l’hypothèse ici de l’existence d’un phénomène d’entrainement, une fois passée la rencontre avec l’outil numérique, un conditionnement capable de modifier en profondeur les schèmes d’action et les représentations qui mobilisent et animent les conduites individuelles.

Au moment même où nous entrons dans l’ère de l’IA, nous le faisons avec des schèmes d’action et des représentations dont la genèse est antérieure à l’essor récent de l’usage d’un numérique en passe de se substituer à des modalités analogiques d’interaction reposant sur la compatibilité des différents acteurs d’une communication contrôlée dans un espace clairement identifié et limité.

Le nombre ne souffre d’aucune limite lorsqu’il n’a pas de relation directe avec une réalité dont le caractère quantifiable trouve sa limite à travers l’appréhension humaine du phénomène. Il n’en est rien pour des outils technologiques qui n’ont pas besoin de la médiation humaine pour produire les effets escomptés par des ingénieurs tout occupé à créer les conditions d’émergence d’une société automatisée.

Parler d’hystérèse renvoie à l’idée que les causes passées peuvent produire leurs effets au-delà même de leur disparition. L’hypothèse proposée ici consiste à devoir aller chercher les causes de l’hégémonie du numérique telle qu’elle se manifeste à travers ses usages, dans les premiers temps de son émergence dans l’espace social.

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