L'évaluation de la qualité vient interroger la conformité de nos établissements et services aux attentes contenues par un référentiel conçu comme un idéaltype. C'est au nom de cet idéal normé que se trouve évaluée la faculté des professionnels à amener les personnes accompagnées dans le champ d'une normalité comportementale en grande partie antinomique avec ce qui relève d'une pathognomonie.
Le handicap produit des conduites qui sortent du champ de la stricte application des normes sociales auxquelles nous nous soumettons consciemment et inconsciemment : c'est un fait qui vient à lui seul résumer la complexité des métiers des professionnels soignants au contact du handicap tel qu'il est politiquement défini comme champ à partir duquel doivent s'organiser des interventions sociales préventives, curatives et punitives.
Nous étions prévenus : l’évaluation de la qualité de 2025 ne devait pas avoir la même tonalité que celle de 2024.
Ce fut bien le cas, pour notre évaluation d’un EANM, en effet, de l’aveu même des intervenants.
Au-delà de la sévérité des notations et parfois aussi de leur incohérence, il est apparu une extension du domaine de la conformité aux usagers eux-mêmes.
Leur refus de se soumettre aux obligations implicites qui pèsent sur eux, pression à la normalité du comportement et de leurs pratiques sociales s’est traduite par des notes minimales accordées à l’établissement.
La lecture des « résultats » viendrait alors mettre en lumière la moindre capacité (ou volonté) de nos professionnels à induire chez les usagers interrogés, les réponses prévues par l’évaluation de la qualité.
Cette démarche normative s’employant à éclairer les zones d’ombre plus que de mettre en lumière les actions qui dépassent qualitativement, le niveau de réalisation attendu par le référentiel.
Il est des critères inatteignables du simple point de vue de la clinique rencontrée dans nos établissements.
Comment en effet par exemple contraindre au respect de normes d’hygiène et de comportement un public dont la problématique participe de leur incapacité à entrer dans le cadre d’une normalité dont l’affranchissement constitue paradoxalement le seul moyen qu’ils maîtrisent, susceptible d’apaiser et d’éviter tensions internes et passage à l’acte grave ?
J’ignorais pour ma part que l’évaluation de la qualité venait interroger la conformité des usagers à un certain nombre de règles de conduite sociale. Difficile d’exiger d’une personne en grande souffrance psychique de présenter une hygiène et un sens de l’ordre et du rangement, une capacité à aller vers les autres, à s’impliquer dans la vie culturelle de leur commune de résidence.
Il est vrai que ces personnes ne sont que moyennement répondante à la pression sociale de leur environnement contrairement à une majorité des citoyens ordinaires.
Nous sommes tous, à des degrés divers, sensibles au regard extérieur et à la pression sociale, en capacité d’inhiber les conduites sociales soumises à sanction par la puissance publique ou à réprobation par notre entourage et notre voisinage.
Cette disposition est très certainement « un bien » mais la difficulté rencontrée par nos publics dans l’application et le suivi de règles sociales contraignantes constitue un fait clinique indépassable qu’une grille évaluative doit pouvoir intégrer comme telle, laissant par ailleurs plus de place à l’explication textuelle des acteurs, capable d’apporter nuances et d’équilibrer le rapport entre ce qui relève du jugement de beauté (ce qui ne peut pas être réduit à une lecture binaire de la réalité) et ce qui procède d’un trop strict jugement d’utilité (ou de conformité).
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